Spinoza l’incroyant ? (Philosophie interactionnelle)

A: J’ai écrit ci-dessus, et ailleurs sur cette page, à de multiples reprises, en quoi Misrahi n’est pas et ne peut pas être « fidèle à Spinoza », en ce qu’il le tire vers une philosophie de la liberté qui n’est possible que par un retour à la contingence au sein d’un système qui l’exclut radicalement ; ou en faisant de Spinoza un athée, alors que pour ce dernier non seulement, il y a Dieu, mais en tout état de cause, il n’y que Dieu, et rien d’autre. Misrahi ne peut parvenir à cette conclusion qu’en postulant que lorsque Spinoza dit « Dieu », il faut en fait considérer qu’il ne pense pas ce qu’il dit. Est-ce cela que vous appelez être « fidèle à Spinoza » ? Et pourriez-vous nous dire comment, avec un tel postulat, il vous est possible de lire Spinoza en faisant le partage entre les passages où on peut lui donner tout notre crédit et ceux où, au contraire, nous devrions nous déprendre de ce qu’il affirme ? Est-ce que cela est philosophiquement sérieux ? En fait, vous ne répondez jamais aux objections que l’on adresse et aux arguments que l’on vous oppose, jamais autrement qu’en vous défaussant et en disparaissant complètement derrière des tonnes de textes et de citations dont on s’interroge sur la compréhension que vous en avez.

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B: vous répondez à côté : je dis comme vous que Misrahi est un philosophe qui n’est pas Spinoziste. Il se sépare de Spinoza et ne s’en cache pas. Réfuter Misrahi ne se fera pas en un paragraphe n’est-ce pas ?

En revanche Misrahi en tant que commentateur de Spinoza est parfaitement fidèle à Spinoza et je vous mets au défi de me citer un seul commentaire de Misrahi qui déforme la pensée de Spinoza. Toujours silence radio sur cette question ? (En cas de réponse, essayez d’être précis svp) »

Je vous rappelle au passage que Spinoza fut un commentateur fidèle de Descartes. Est-il pour autant cartésien ?

vous dites « …il y a Dieu, mais en tout état de cause, il n’y que Dieu, et rien d’autre. Misrahi ne peut parvenir à cette conclusion qu’en postulant que lorsque Spinoza dit « Dieu », il faut en fait considérer qu’il ne pense pas ce qu’il dit. Est-ce cela que vous appelez être « fidèle à Spinoza » ?… »

> Oui parfaitement c’est bien Spinoza lui-même qui nous autorise à comprendre ce que Spinoza entend par le mot « Dieu ». Pour cela il est utile de lire Spinoza:

1/ suffit de prononcer le mot « Dieu » pour clore ce débat ? N’est-ce pas Spinoza lui-même qui nous invite à nous méfier « fortement » des mots ?

« Ensuite, comme les mots sont une partie de l’imagination, c’est-à-dire comme nous forgeons beaucoup de concepts suivant que, par une disposition quelconque du corps, les mots s’assemblent sans ordre déterminé dans la mémoire, il ne faut pas douter qu’ils ne puissent, autant que l’imagination, être cause de nombreuses et grandes erreurs, si nous ne nous mettons pas fortement en garde contre eux. »

Traité de la réforme de l’entendent (§88)

2/ n’est-ce pas Spinoza lui-même qui nous indique qu’il faudra lire les mots qu’il utilise avec le sens que lui-même leur donne ? N’est-ce pas Spinoza qui appuie son propos en précisant qu’il ne le dira « qu’une fois » ?

« Je sais bien que ces noms ont une autre signification dans l’usage courant. Mais mon dessein est d’expliquer non pas le sens des mots, mais la nature des choses , et de désigner celles-ci par des termes dont la signification d’usage ne s’oppose pas entièrement au sens où je veux les employer . Qu’il suffise d’en être averti une seule fois ». (Eth. III , def. des affects XX, explication)

3/ n’est-ce pas Spinoza lui-même qui prévient qu’il n’hésitera pas à utiliser à dessein le vocabulaire en cours à son époque :

« [nous devons] mettre nos paroles à la portée du vulgaire et faire d’après sa manière de voir tout ce qui ne nous empêchera pas d’atteindre notre but […] nous trouverons ainsi des oreilles bien disposées à entendre la vérité. » (TRE §17)

Conclusion : Le terme Dieu est donc à lire par ce qu’en dit Spinoza lui-même et le « Deus sive Natura » à prendre très au sérieux : le mot Dieu désigne la Nature et rien d’autre:

«il ne peut y avoir de l’origine de la Nature de concept abstrait, ni de concept général, et cette origine ne peut être conçue par l’entendement comme plus étendue qu’elle n’est réellement ; elle n’a d’ailleurs aucune ressemblance avec des choses soumises au changement ; aucune confusion n’est donc à craindre au sujet de son idée, pourvu que nous possédions la norme de la vérité (que nous avons déjà indiquée) ; l’être dont il s’agit est unique en effet, infini, c’est-à-dire qu’il est l’être total hors duquel il n’y a pas d’être. »(TRE §76).

Vous dites « … pourriez-vous nous dire comment, avec un tel postulat, il vous est possible de lire Spinoza en faisant le partage entre les passages où on peut lui donner tout notre crédit et ceux où, au contraire, nous devrions nous déprendre de ce qu’il affirme ? Est-ce que cela est philosophiquement sérieux ? »

> Oui très sérieux, nous avons à appliquer strictement et rigoureusement les définitions que Spinoza nous donne et c’est Spinoza lui-même qui nous l’indique :

« mon dessein est […] d’expliquer non la signification des mots, mais la nature des choses, et de désigner celles-ci par des termes dont le sens usuel ne s’éloigne pas absolument de celui avec lequel je veux les employer; qu’il me suffise de l’avoir fait observer une fois pour toutes. » (Eth II def des aff. XX expl.)

> Il est donc exclu que la compréhension de la philosophie de Spinoza puisse dépendre d’une compréhension externe à l’Ethique, c’est très rigoureusement que Spinoza a voulu nous offrir une philosophie dont la méthode et l’ambition sont de s’éclairer d’une lumière interne, immanente :

« Ce n’est pas … chose nécessaire de connaître la vie de cet auteur, ses mœurs, ses préjugés, le temps et la langue où il a composé ses ouvrages, à qui il les a adressés, les diverses fortunes qu’ils ont subies, les diverses leçons qu’ils ont reçues, comment enfin et par qui leur autorité scientifique s’est établie. Or ce que nous disons d’Euclide se peut étendre à tous les auteurs qui ont traité de choses concevables par elles-mêmes. » (tracatatus théologicus chap VII)

vous dites « En fait, vous ne répondez jamais aux objections que l’on adresse et aux arguments que l’on vous oppose, jamais autrement qu’en vous défaussant et en disparaissant complètement derrière des tonnes de textes et de citations dont on s’interroge sur la compréhension que vous en avez. »

> effectivement cette compréhension n’a rien de personnel, c’est celle que nous impose Spinoza, mais pour cela encore faut-il le lire (ce que vous appelez des « tonnes de citations »?) »

Cet être, « l’être total infini en dehors duquel il n’y a pas d’être » est décrit dans toute la partie I de l’Ethique scolie de Eth I 11: « …. l’Être absolument infini, c’est-à-dire Dieu …»

Et si nous doutions encore que les mots « Dieu » et « Nature » puissent désigner des concepts différents, Spinoza le précise dans ce fameux « deus sive natura » ; « Dieu c’est à dire la Nature » de Eth IV 4 dém.

Ce n’est donc pas une interprétation de Spinoza de comprendre que ces deux mots désignent le même concept , c’est ce que dit Spinoza lui-même et malgré la pression il n’y a jamais renoncé :

Quand Spinoza hésite à publier l’éthique il Interroge Oldenburg :

« Au moment où j’ai reçu votre lettre du 22 juillet, je suis parti pour Amsterdam avec le dessein de faire imprimer l’ouvrage dont je vous ai parlé [il s’agit de l’Ethique]. Tandis que j’étais occupé de cette pensée, un bruit se répandait de tous côtés que j’avais sous presse un ouvrage sur Dieu où je m’efforçais de montrer qu’il n’y a point de Dieu, et ce bruit était accueilli de plusieurs personnes. De là certains théologiens (auteurs peut-être de cette rumeur) ont pris occasion de se plaindre de moi devant le prince et les magistrats. Ajoutez que d’imbéciles cartésiens, qu’on croit m’être favorables, afin d’écarter ce soupçon de leurs personnes, se sont mis à déclarer partout qu’ils détestaient mes écrits, et ils continuent à parler de cette sorte. Ayant appris toutes ces choses de personnes dignes de foi, qui m’assuraient en outre que les théologiens étaient occupés à me tendre partout des embûches, je résolus de différer la publication que je préparais, jusqu’à ce que je visse comment la chose tournerait. Je me proposais de vous dire alors le parti auquel je me serais arrêté ; mais l’affaire semble se gâter tous les jours davantage, et je suis incertain sur ce que je dois faire. Cependant je n’ai point voulu retarder plus longtemps ma réponse à votre lettre, et je commencerai par vous faire de grands remerciements pour l’avertissement amical que vous me donnez, bien que je désire sur ce point une plus ample explication, afin de savoir quels sont ces principes qui vous paraissent renverser la pratique de la vertu religieuse. »

Et Oldenburg lui répond:

« Autant que j’en puis juger par votre dernière lettre, la publication de l’ouvrage que vous destinez au public est en péril. Je ne puis qu’approuver le dessein dont vous me parlez d’éclaircir et d’adoucir les passages de votre Traité théologico- politique qui ont arrêté les lecteurs. Ceux qui ont surtout paru présenter quelque ambiguïté se rapportent, je crois, à Dieu et à la nature, deux choses qu’au sentiment d’un grand nombre vous confondez l’une avec l’autre. »
(voir en page 15 et 16 ici https://drive.google.com/file/d/1DjXbRStPle8EDh9NXNzxb6dzq0S8-YJc/view?usp=drivesdk)

Spinoza a renoncé à publier l’Ethique de son vivant après cet épisode.

Vous dites « …En fait, vous ne répondez jamais aux objections que l’on adresse et aux arguments que l’on vous oppose… »

> non seulement j’y réponds mais de plus ces réponses sont sourcées et non polémiques puisqu’elles sont fondées sur ce que dit Spinoza . Votre vraie difficulté c’est peut-être qu’elles ne vous conviennent pas ?

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A: Pour vous répondre une dernière fois sur ce sujet :

Pour Spinoza, Dieu c’est la nature (et inversement), nous sommes tous d’accord là-dessus ; tout au moins de prime abord. Parce qu’à partir de là, Misrahi va s’efforcer de gauchir la pensée de Spinoza en considérant que « Dieu » n’est pour lui, qu’une manière de nommer la nature dans le but de s’épargner les foudres des théologiens et de tous les théistes (comme si l’identification de la nature à Dieu n’aurait pas suffi largement à déclencher leur colère). Par « prudence », Spinoza aurait ainsi écrit le contraire de ce qu’il pense. C’est absurde et quasi insultant pour le philosophe auquel on prétend être « fidèle ». Et, entre autre, ça n’est tenir aucun compte que dans l’Éthique, ces deux mots – « Dieu » et « nature » – qui sont deux manières de nommer un même concept, ne sont pas utilisés indifféremment dans ses différentes parties. Ainsi, dans le livre V, Spinoza ne parle plus de la « nature », mais uniquement de « Dieu » (bien que pour lui, c’est la même chose). Il n’écrit pas par exemple « plus nous comprenons les choses singulières, plus nous comprenons la nature » ; il écrit « plus nous comprenons Dieu ». A partir de là, bonne chance pour faire de Spinoza un athée. J’en arrête ici de perdre mon temps avec vous. Vous êtes certainement un bon lecteur de Misrahi, mais votre compréhension de Spinoza laisse à désirer, parce qu’elle est totalement subjuguée par celle de Misrahi, laquelle est pour le moins discutable. Je ne peux que vous encourager à lire Spinoza en vous libérant des bornes que vous vous êtes fixé. »

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B: vous dites « .. il écrit « plus nous comprenons Dieu ». A partir de là, bonne chance pour faire de Spinoza un athée.… »

> Tout votre argumentaire est donc fondé sur l’usage d’un mot ?

« Ensuite, comme les mots sont une partie de l’imagination, c’est-à-dire comme nous forgeons beaucoup de concepts suivant que, par une disposition quelconque du corps, les mots s’assemblent sans ordre déterminé dans la mémoire, il ne faut pas douter qu’ils ne puissent, autant que l’imagination, être cause de nombreuses et grandes erreurs, si nous ne nous mettons pas fortement en garde contre eux. »

Traité de la réforme de l’entendent (§88)

vous dites « Pour Spinoza, Dieu c’est la nature (et inversement), nous sommes tous d’accord là-dessus ; »

> C’est à dire la totalité ? Sommes-nous aussi d’accord là-dessus?

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A: Le texte que vous produisez ci-dessus (TRE, § 88) va totalement à l’encontre de votre thèse (sans même que vous vous en rendiez compte). Que dit ce texte, sinon qu’il faut être attentif aux choix des mots que nous utilisons pour éviter toute équivoque. Considérez-vous que Spinoza n’était pas particulièrement attentif à éviter ce risque lorsqu’il écrit « Dieu » pour nommer la nature ou la substance, c’est-à-dire l’Être ? Pensez-vous que Spinoza n’a pas pris, dans le choix des mots qu’il utilise, le soin nécessaire pour écarter autant que possible le risque d’être mal compris ?

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B: non je dis avec Spinoza que nous avons à lire strictement les définitions que donne Spinoza des mots, fussent-elles données qu’une seule fois :

« Je sais bien que ces noms ont une autre signification dans l’usage courant. Mais mon dessein est d’expliquer non pas le sens des mots, mais la nature des choses , et de désigner celles-ci par des termes dont la signification d’usage ne s’oppose pas entièrement au sens où je veux les employer . Qu’il suffise d’en être averti une seule fois ». (Eth. III , def. des affects XX, explication)

N’est-ce pas assez clair ?

vous dites « Pensez-vous que Spinoza n’a pas pris, dans le choix des mots qu’il utilise, le soin nécessaire pour écarter autant que possible le risque d’être mal compris ? »

Non au contraire Spinoza a pris grand soin d’être bien compris :

«… il ne peut y avoir de l’origine de la Nature de concept abstrait, ni de concept général, et cette origine ne peut être conçue par l’entendement comme plus étendue qu’elle n’est réellement ; elle n’a d’ailleurs aucune ressemblance avec des choses soumises au changement ; aucune confusion n’est donc à craindre au sujet de son idée, pourvu que nous possédions la norme de la vérité (que nous avons déjà indiquée) ; l’être dont il s’agit est unique en effet, infini, c’est-à-dire qu’il est l’être total hors duquel il n’y a pas d’être. »(TRE §76).

Deus sive Natura

vous dites « … dans l’Éthique, ces deux mots – « Dieu » et « nature » – qui sont deux manières de nommer un même concept, ne sont pas utilisés indifféremment dans ses différentes parties. Ainsi, dans le livre V, Spinoza ne parle plus de la « nature », mais uniquement de « Dieu » (bien que pour lui, c’est la même chose). Il n’écrit pas par exemple « plus nous comprenons les choses singulières, plus nous comprenons la nature » ; il écrit « plus nous comprenons Dieu »

> Seriez-vous vous en train d’insinuer que les mots Nature et Dieu ne désigneraient plus le même concept pour Spinoza dans la partie V de l’Ethique? Édifiant !

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A: Bien sûr que non ! (vous le faites exprès de ne pas comprendre ?). Mais en prenant soin de ne plus nommer la nature que par le mot « Dieu », il met évidemment l’accent sur le fait que pour lui la nature, c’est Dieu. Et donc que pour lui, sans équivoque possible, il y a Dieu. A partir de là, comment vous y prenez-vous pour en faire un athée ? Comment, autrement qu’en lui attribuant, de manière absurde, une volonté de dissimuler le fond de sa pensée à son lecteur ?

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B: le fond de la pensée de Spinoza c’est bien que Dieu est la Nature, mais puisque la Nature c’est l’être total, nous sommes d’accord.

La pensée de Spinoza se passe donc de toute croyance, n’est-ce pas à ce titre que nous pouvons dire qu’il s’agit bien d’un athéisme ?

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A: Non! Et cela montre que vous ne comprenez pas Spinoza, pour qui Dieu n’est pas une affaire de croyance, mais de savoir. Vous considérez que l’on ne peut affirmer Dieu que par la croyance. Mais ça n’est pas du tout ce que pense Spinoza. Il ne croit pas en Dieu, il sait Dieu. Et en cela, il n’est pas athée.

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B: vous dites « … 
Spinoza […] ne croit pas en Dieu, il sait Dieu. … Merci, c’est ce que j’entends par athée : je ne fais pas de différence entre athée et incroyant. Je préfère d’ailleurs le terme d’incroyant : ni besoin d’un supposé Dieu, ni besoin de le nier. L’incroyant n’est ni panthéiste, ni déiste, ni théiste, ni même agnostique. Bruno Latour l’a bien compris et semble prendre peur en comprenant que Spinoza est un « athée extrême » (https://www.youtube.com/watch?v=cv4OSq7fRDc minute 49:45 )

Tout notre échange n’est donc qu’une querelle verbale : il ne manque rien à l’être hors duquel il n’y a pas d’être , nous pouvons parfaitement l’appeler Dieu. Il ne manque rien non plus à la philosophie de de Spinoza : elle s’élève au rang d’une religion cependant sans dogme ni croyance.

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A: Non, il ne s’agit pas d’une simple question de mots (une « querelle verbale »), mais bien d’une vraie différence de compréhension de ce qu’on entend par « athéisme », ainsi que de Spinoza lui-même.

1. En identifiant l’athéisme à l’incroyance – en le réduisant au seul domaine de la foi -, vous faites l’impasse sur tous les philosophes qui ont pensé pouvoir affirmer l’existence de Dieu par une autre voie que celle de la croyance, celle d’un raisonnement a priori ou d’une démonstration apodictique (c’est le cas d’Anselme de Cantorbery, et par la suite de Descartes, Leibniz, Spinoza et de bien d’autres encore par la suite).

2. Vous ne parvenez pas à comprendre que la question de l’existence de Dieu dépend de celle de son essence, c’est-à-dire de l’idée que l’on se fait de sa nature. Et il y a de multiples conception de Dieu, relativement auxquelles on peut affirmer ou non l’existence de Dieu. C’est ainsi que si Spinoza est à l’évidence athée pour un chrétien (comme Bruno Latour), il ne l’est pas à ses propres yeux. Car il y a bien chez Spinoza une idée de Dieu (il est vrai assez singulière), à quoi correspond effectivement une réalité existante. Selon cette idée, il n’y a même selon lui aucune autre réalité que celle-là. Si on ne comprend pas cela, on ne comprend rien à Spinoza.

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B: Vos questions existent-elles dans le système de Spinoza ?

1. vous dites « La question de l’existence de Dieu dépend de celle de son essence, c’est-à-dire de l’idée que l’on se fait de sa nature. »

> “ L’existence de Dieu et son essence sont une seule et même chose.” (Eth I 20 https://vraiephilosophie.wordpress.com/2021/04/29/eth-1-proposition-20/)

2.vous dites « il y a de multiples conception de Dieu, relativement auxquelles on peut affirmer ou non l’existence de Dieu.»

> “ L’idée de Dieu d’où suit une infinité de choses en une infinité de modes, ne peut être qu’unique.” Eth II 4 https://vraiephilosophie.wordpress.com/2021/04/26/eth-ii-proposition-4/ )

Querelle verbale cad imaginaire ?

« Si les hommes n’ont pas cependant une connaissance aussi claire de Dieu que des notions communes, c’est en raison du fait qu’ils ne peuvent imaginer Dieu de la même façon que les corps et qu’ils ont uni le nom de Dieu aux images des choses qu’ils ont l’habitude de voir ; et les hommes peuvent à peine éviter ce processus, étant continuellement affectés par les corps extérieurs. D’ailleurs, la plupart des erreurs consistent seulement en ceci que nous n’appliquons pas correctement les noms aux choses. Quand quelqu’un dit en effet que les lignes menées du centre d’un cercle à la circonférence sont inégales, il entend alors par cercle autre chose que le Mathématicien. De même lorsque l’on commet une erreur de calcul, on a dans l’esprit d’autres nombres que sur le papier ; c’est pourquoi l’on peut dire, si l’on se réfère à l’Esprit de chacun, que les hommes ne se trompent pas ; s’ils paraissent cependant se tromper, c’est que nous posons que, lorsqu’ils calculent, ils ont dans l’esprit les nombres mêmes qui figurent sur le papier. S’il n’en était pas ainsi, nous ne croirions pas qu’ils se trompent en quoi que ce soit, comme je n’ai pas pensé qu’il se trompait celui que j’ai naguère entendu crier que sa maison s’était envolée sur la poule du voisin : c’est que sa pensée me paraissait assez claire. Et c’est de là que naissent la plupart des controverses : les hommes n’expliquent pas rigoureusement ce qu’ils ont dans l’esprit, ou ils interprètent mal la pensée des autres. En réalité, dans le temps même où ils se combattent le plus, ou ils pensent en fait la même chose ou ils pensent à des choses différentes, de sorte que ce que l’on croit être erreur ou absurdité chez l’autre n’est en réalité ni faux ni absurde. » Spinoza (Eth II 47 sc)

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